Un cigare de Maréchal.
L'abbé Jules Chaperon, aumônier militaire, attaché au consulat de France à New-York, a obtenu un succès immense quand, l'autre jour, dans une conférence sur le marechal Foch, il rappela l'incident suivant dont il fut l'acteur et le témoin. Un matin de mars 1917, à Maisons-de-Champagne, il fut abordé par un vieux doldat revêtu d'une longue capote, qui lui demanda à se confesser. Sa confession faite, le soldat pria l'aumônier de bien vouloir dire la messe pour le repos de l'âme de sa mère dont c'était, ce jour là, l'anniversaire. Dans un coin du tunnel malodorant où de nombreux poilus dormaient et ronflaient, l'autel portatif fut dressé et la messe commença. L'ordonnance de l'aumônier, un vieux briscard du Cantal, la servait.
L'inconnu très dévotement communia et, après une courte action de grâce, demenda au servant de lui apporter un peu de café.
"Dis-donc, repartit l'Auvergnat, faut pas te gêner ! Pour qui te prends-tu ?
Tu voulais l'aumônier, tu l'as eu. Tu voulais te confesser, tu l'as fait.
tu voulais la messe, on te l'a servie. Et maintenant tu veux boire notre jus. Et pourquoi-pas notre gnole aussi ?
Oui un peu de jus bien bien chaud, s'il te plait."
L'ordonnance toujours maugréant s'en fut donc à la popote chercher du café dans son bidon.
Après en avoir bu quelques bonnes lampées, le visiteur sortit son étui à cigares :
"Prenez, Monsieur l'abbé, et toi aussi vieux grognard, c'est le général Foch qui vous l'offre."
Ce joli incident où Foch se révèle tout entier, a été abondamment reproduit et commenté par les journaux de ce pays.
La Croix, 29 mai 1929.