Emilie Morel : hommage à une bienfaitrice de l’humanité du début du XXème siècle

       

Emilie Morel, une héroïne de la charité 1876 – 1937

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L’œuvre « Notre Montagne » n’aurait pas été possible sans le dévouement et l’aide de son pilier central, à savoir sa directrice Emilie Morel qui dirigera l’œuvre avec rigueur et sera sur tous les fronts, de l’hôpital militaire de la Martre, à l’orphelinat Saint Joseph de Makrikeuy en Turquie, tout en assurant le fonctionnement des établissements de La Martre et de Grasse.

Née en 1876 à Saint Etienne de  Germain Morel boulanger, et d ‘ Adelaïde Dimbert, héritière d’un nom, inscrit avant la Révolution au Nobiliaire Dauphinois, Emilie Morel fit ses études à Vienne, notamment chez  les Sœurs de Saint Charles.

Jules Chaperon fait une description assez saisissante de la toute jeune Emilie qu’il côtoyait déjà :   Jolie, brunette, exubérante et gentille, ravissante de pure beauté et cependant volontaire, audacieuse, inflexible dans ses desseins, comment la définir ? Mieux vaut la laisser parler et l’écouter…

Voici ce que je (J.C.) relève dans un de ses cahiers qui furent les confidents intimes de ses pensées à l’époque de sa première communion :

« …Si l’on veut goûter le seul bonheur innocent dans la vie, il faut avec une volonté généreuse se donner tout entier à l’abnégation  et mettre tous ses efforts à apaiser les souffrances des autres. Tant qu’il y aura des malheureux en ce monde aucune âme noble ne pourra être heureuse sans rougir de honte, si elle n’a pas employé toutes ses ressources à combattre l’infortune des malheureux ».

A l’heure de  la retraite de Germain Morel, la famille revint au pays natal à Saint Georges d ’ Espéranches dans une coquette résidence de la commune située un peu à l’écart du village, au bord de la grande route dans un bocage de chênes majestueux, c’était  la Villa des Maisons neuves qui fût auparavant la demeure de l’ancien Maire M. Vachon.

A Saint Georges d’ Espéranches, Emilie Morel aura pour guide une religieuse que la population considérait comme l’ange gardien de la cité. En effet pour pallier au manque total de services sociaux (inexistants en cette fin de 19ème siècle),  Sœur Saint Adrien consacrait son temps à secourir les plus démunis. Un lien indéfectible se créa entre Sœur St Adrien et Emilie Morel qui ébranlée par la mort de son père trouva réconfort et chaleur familiale auprès de celle qui sera plus qu’un modèle de vie.

De 1892 à 1902, un cercle d’amis avait l’habitude de se retrouver pendant les grandes vacances dans le salon de la Villa des Maisons Neuves pour des réunions quotidiennes consacrées à la littérature, aux arts, à la musique. Le tout se traduisait chaque année en septembre par un spectacle devant une foule enchantée dans la cour de l’Ecole des Frères sur un beau théâtre de verdure.

Dans ce cercle de collégiens et de séminaristes on retrouvait les amis proches et notamment Jules Chaperon avec qui Emilie partagera un engagement social dont l’ambition humaniste et l’investissement de chacun des deux les unira à vie.

Aussi, en 1903, c’est sans hésiter et sur les conseils de Sœur Saint Adrien  qu’Emilie Morel suivra Jules Chaperon à La Martre dans les montagnes du haut Var.

De là débutera un projet social humaniste dont elle sera la cheville ouvrière et dans lequel  elle s’investira sans repos durant 35 ans. Elle fut donc la co-fondatrice de l’œuvre Notre montagne, association créée pour venir en aide aux plus défavorisés.

Pour accueillir à La Martre les hospitalisés de plus en plus nombreux, l’œuvre va acquérir la maison Gaymard au plan d’Annelle, puis la maison Fabre au village.

Dès 1907  elle dirigera une  colonie scolaire gratuite créée par l’abbé Jules Chaperon  sur cette commune, ce qui était  en France une « première ».

C’est elle qui gèrera, aussi bien au niveau administratif que dans son fonctionnement logistique et surtout, grâce à ses connaissances médicales, elle prodiguera soins et réconforts aux blessés de l’hôpital militaire (25 lits) de La Martre. Sur le monument aux morts de La Martre figure l’épitaphe « A l’héroïque infirmière de l’hôpital militaire »

Infirmière jamais lasse, jamais découragée, Emilie Morel passe ses nuits assise au chevet des uns ou des autres, suivant leur état. Toujours gaie, elle joue aux cartes avec eux, elle leur fredonne des chansons pour les endormir comme des enfants.

Tout cela ne l’empêche pas d’aller à domicile visiter les malades qui l’appellent dans les lointaines bastides. Que ce soit de nuit ou de jour, qu’il pleuve ou qu’il neige, elle va, elle marche des heures, elle sait les remèdes et les soins  nécessaires, elle a toujours un filet de provisions alimentaires pour les plus pauvres.

Il n’y a pas une maison en ce début du 20ème siècle dans nos montagnes  où elle ne soit pas allée.

Elle est aussi la directrice de l’œuvre Notre montagne de La Martre et de Grasse dans les Alpes Maritimes, ce qui ne lui laisse aucun repos.

De plus Emilie Morel accueille tous les jeudi et dimanche, dans la maison Cauvin,  les enfants du pays pour une cantine, du catéchisme où un bon repas chaud leur est servi suivi d’animations culturelles, c’est l’occasion aussi de distributions de bons souliers ou d’habits neufs.

En 1921 elle est appelée à Constantinople, dans la filiale de l’œuvre qui hospitalise une cinquantaine de petits arméniens échappés du massacre. Il y en a en surnombre, Mlle Morel va les ramener avec quelques adultes qui tremblent à la vue de soldats ou au son des avions. Pendant la traversée sur le paquebot Tourville, les officiers, témoins de son dévouement aux malheureux Arméniens,  disaient hautement n’avoir jamais vu une nature aussi supérieure. Cette impression, le valeureux capitaine Guibault qui devait périr peu après dans une expédition au pôle nord, l’avait écrite en termes de fervente admiration dans un courrier adressé à l’œuvre.

Autre témoignage, celui de Mr Bain, Maire de La Martre : «  Je n’oublierai jamais l’émotion émerveillée que je ressentis un jour où je surpris Mlle Morel entourée de tous les petits et les captivant par la façon dont elle leur parlait, ce n’était plus simplement la directrice d’un préventorium, c’était la mère de famille à la tendresse débordante, attentive avec vigilance, à former le cœur de tous ces petits êtres qui lui étaient confiés, Elle était l’âme de cette maison qu’elle dirigeait.. ».

Emilie Morel avec discrétion était aussi une actrice bien avant l’heure de l’émancipation féminine, elle même avait un mode de vie, de part sa personnalité et son engagement, qui était totalement indépendant, elle était la directrice de l’œuvre et quand elle se déplaçait en voiture en ce début du XXème siècle, c’est en étant au volant !

C’est elle qui créa son cercle féminin dans les villages du haut pays varois. « S’ils pouvaient parler, les murs de la vieille maison Gallet qui était alors le local du cercle, raconteraient les belles réunions ainsi que les inoubliables banquets de Sainte Agathe.. » (J. Chaperon).

Cette forte personnalité avait aussi un charme particulier qui n’a pas laissé insensible l’abbé Jules Chaperon : « Telle on l’avait vu à vingt ans, telle on la retrouvait à soixante. Les années n’avait pas réussi à modifier sa silhouette ni sa physionomie. A travers ses grands yeux  profonds et passionnés, couleur de tilleul doré, où l’iris noir se dilatait à mesure que brillait une décision rapide ou au gré des exaltations qu’elle éprouvait on apercevait son âme droite  et pure, inexperte aux artifices. …son regard d’ombre chaude enveloppait les êtres d’effluves magnétiques….Ce sourire qui illuminait à la fois ses yeux et ses lèvres était si doux, si pénétrant, si compatissant que parfois, dans les rues de Grasse, des femmes affligées, des malheureux infirmes ou désespérés attendaient son passage pour l’entrevoir et s’en allaient contents quand ils avaient vu comme on leur a entendu dire tant de fois, le sourire de la sainte demoiselle de Notre Montagne. »

Malheureusement le 26 juillet 1937, de retour d’une journée bien remplie, , victime d’un malaise ou aveuglée par le soleil couchant, Emilie Morel se tue au volant de son auto à La Foux, hameau de Peyroules à une dizaine de Km de La Martre.

Un monument à sa mémoire est érigé à proximité du lieu de l’accident.

Plus qu’un choc, cette date fatidique marquera aussi le début des difficultés, puis du déclin de l’œuvre.