Grasse : Paradis d’Azur…
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En 1922 Jules Chaperon est aumônier militaire en Turquie, en permission il achète un domaine à Grasse à Mr Daver, quincailler dans la même ville. C’est à cette époque qu’est créée l’association « Notre Montagne ». L’association loi de 1901 permettra à l’œuvre d’avoir une personnalité civile et ainsi de pouvoir recevoir des dons ainsi que des legs. Le siège social situé, d’abord à La Martre, sera ensuite transféré (1925) aux Hautes Ribes à Grasse, le centre de La Martre restant actif.
Une chronique, parue dans la revue Azur de France (1928), fait une description de ce site, sous la plume de l’abbé Jules Chaperon et commence par des vers de F. Mistral.
Di Grassen : vau d’amour, palestino, encensié,
Ounte lou ro, la capitello,
D’oulivereido s’emmantello,
Ounte li femo a canestello
Meissounon jaussemin, tuberouso e rousié
(La combe des Grassois : val d’amour, Palestine, encensoir, où le roc et les oratoires s’emmantèlent d’oliviers, où les femmes avec leurs paniers de roseaux moissonnent jasmin, tubéreuses et rosiers)
Mistral, (Calendau)
GRASSE, Le Paradis d’Azur où vivent nos pupilles
On atteint une contrée de rêve lorsque, ayant quitté la gare de Cannes et laissant derrière soi la Grande Bleue, on monte par l’embranchement de Mougins et Mouans –Sartoux, vers les hauteurs de Grasse. La voie ferrée, comme la route voisine, s’élèvent graduellement par une pente presque insensible et vous conduit, en une demi-heure au sein d’un merveilleux amphithéâtre formé par des terrasses fleuries et des boccages d’oliviers.
Paresseusement couchée comme une sultane blanche et rose, Grasse la cité des parfums, cette ville riante qu’un de ses évêques du grand siècle, le peu austère Godeau, avait surnommée « La Gueuse parfumée », semble somnoler dans un songe amoureux à l’ombre des palmiers et des oliviers. Autour de son moelleux divan de plantureuse verdure, à perte de vue, s’étendent des champs immenses, couverts de cultures florales très variées. C’est la patrie d’Honoré Fragonard le peintre nuancé des amours et des femmes en fleurs.
Véritable Eden, Grasse baigne toute l’année dans un océan de floraisons qui se succèdent comme des vagues lentes, toujours plus belles.
Tandis que le reste du monde frissonne sous un linceul de neige ou se morfond dans les brouillards pleureurs, parmi les arbres morts tendant vers le ciel noir leurs branches en détresse, Grasse, temple éternel du chaud soleil, exerce une royauté incontestable et incontestée.
Déjà avant Noël, la violette s’épanouit sous l’olivier séculaire, le mimosa toujours en fleur répand plus particulièrement ses fines grappes d’or sur les fêtes du nouvel An et des Rois ; pendant ce temps les roses ne cessent d’embellir les parcs et les jardins ; le jasmin , fleuri depuis l’été, ne se décide jamais à abdiquer sa délicate influence ; le soir, sa frêle fleur s’épanouit encore et le voyageur qui aborde la ville pendant la nuit croit rêver en respirant, aux approches de la cité ce parfum si subtil, si pénétrant dont l’air est embaumé. Les renoncules, anémones, jonquilles, narcisses, iris, géraniums, saxifrages, œillets, giroflées et tant et tant d’autres fleurs forment sur le sol un tapis multicolore aux parfums grisants qui se prépare à être dévasté pendant les floralies du Carnaval. Puis, chaque saison a sa parure particulière aussi somptueuse et aussi odorante.
De toutes ces fleurs, la laborieuse population grassoise a su tirer des parfums exquis dont la renommée est mondiale. Nulle autre région, dans l’univers, ne jouit d’un tel privilège. En Bulgarie on cultive la rose sur de vastes superficies. Dans le sud de l’Italie ; l’oranger et le citronnier font la richesse du pays. L’iris règne à Florence. L’Algérie et la Réunion sont parées de géraniums. Mais à Grasse toutes les fleurs se rencontrent à la fois et alimentent d’un bout à l’autre de l’année les usines de parfumerie.
C’est que dans nul autre pays on ne trouve les mêmes conditions de nature du sol, de température de climat et d’exposition. Au Nord, à l’Est et à l’Ouest, la campagne grassoise est protégée contre les courants excessifs. Son orientation lui permet, en hiver, de ne perdre aucune des radiations solaires. Abondamment arrosé, son sol garde une fertilité inépuisable.
N’est-ce donc pas accomplir une œuvre incomparable de charité que d’amener en ce site enchanteur les pauvres petites tiges humaines étiolées entre les pavés des cités moroses où le travail de l’ouvrier conduit sans merci l’âpre et rude lutte pour la vie ?
Revigorés par le bon soleil, l’air pur, le repos voluptueux sous un ciel clair, au sein d’une nature généreuse, en face de la mer bleue, étincelante, en pleine profusion de lumière douce…
Or, cette résurrection vous est due à vous, amis actifs de notre Œuvre !
J. C.